samedi 30 octobre 2010

Amazonie, Chapitre 2 : au nom de l'anaconda, du piranha du saint caïman, ainsi soit-il.

... et le jour nouveau finit par arriver.



Tout compte fait, la nuit sous moustiquaire fut plutôt bonne. Dormir dans la jungle présente de très bons côtés si l'on arrive à faire abstraction de toutes les bêtes qui rampent et grouillent aux alentours. La température et l'humidité sont agréables, mais surtout l'ambiance sonore qui vous entoure est incomparable : une véritable symphonie d'insectes, de reptiles, de batraciens, de mammifères, d'oiseaux, accompagnée par intermittence de la percussion de la pluie sur les feuilles et sur notre toit en branches de palmacés, qui finit par vous apaiser, vous bercer et vous guider paisiblement vers le sommeil.



Après une nuit réparatrice donc, nous devions nous réveiller pour prendre un petit déjeuner de champion avant de partir en pirogue vers notre premier objectif de la journée : un trek dans la jungle (diurne cette fois...) pour pour déboucher sur une lagune où vivent... des... mais j'en dis trop... chaque chose en son temps.



Départ en pirogue où nous avons croisé le fameux et non moins bruyant "dindon de la jungle" ou encore appelé "oiseau-puant". Un gros oiseau, un peu gauche, qui pourrait sembler être une proie facile et appétissante pour un touriste affamé et perdu dans la jungle. Seulement cet oiseau ne se nourrit que de plantes toxiques (auxquelles son système immunitaire résiste) qui rendent sa chair hautement empoisonnée pour ses prédateurs. Dans la jungle, tous les moyens sont bons pour se défendeur et, comme si son incomestibilité ne suffisait pas, il a la capacité de lâcher des étrons qui sentent pire que n'importe quelle boule puante... Comme quoi la Création c'était vraiment la loterie : certains ont hérité d'une vélocité majeustueuse, de crocs et de griffes acérés pour chasser ; d'autres se fondent dans la nature et ont un venin neurotoxique à la composition chimique complexe qui leur permet d'anéantir une proie 10000 fois plus grande qu'eux en quelques secondes ; et enfin y'a ceux qui ressemblent à une grosse dinde et qui chient des trucs pires que toi en lendemain de cuite... Dieu est injuste... mais il a dû quand même bien se marrer le jour de la distribution des compétences !


Silhouette d'un héron, majestueux et élégant. Un des nombreux échassiers peuplant la partie fluviale de la jungle.


Touristes, la tête dans le cul, gérant péniblement leur réveil et leurs émotions de la veille. Autre famille d'oiseaux peuplant pontuellement la partie fluviale de la jungle.


Débarquement réussi. Début de l'expédition vers la jungle, réglant nous pas sur les pas de Luis, notre guide, qui allait devenir notre Messie. Contrairement à la nuit précédente, la randonnée de cette matinée là n'avait pas pour objectif de nous terrifier, mais plutôt de nous faire décourvrir les vertues des plantes et des animaux de la forêt. Avant de nous enfoncer dans la végétation, nous sommes passés aux abords d'un campement abandonné, où vivaient il y a quelques années des employés d'une entreprise pétrolière chinoise. Ils avaient construit ce camp temporaire pour venir nettoyer les dégats causés par une fuite d'hydrocarbures qui était venue contaminer la lagune. Une fois la dépollution terminée, ils avaient laissé leur "village fantôme" en l'état.


Ici, un arbre de la famille du caoutchoutier, donc la sève est censée couper la diarrhrée...


Au centre de cette photo, un arbre couvert d'une mousse qui devient phosphorescente la nuit, et qui permet aux habitants de la jungle de se repérer.


Un autre arbre appelé "arbre coureur", qui est perché sur ses racines, en partie hors du sol, et qui a la capacité de les mouvoir dans la terre pour trouver des nouvelles sources de nutriments lorsque ceux de son emplacement s'épuisent. Il peut ainsi se déplacer de 10 à 15 centimètres par semaine. Véridique.


Luis, en train de fabriquer un sac avec une branche de palmacé...


... en deux temps trois mouvements...


... et c'est prêt ! 5 minutes montre en main !
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L'heure est peut être venue de vous parler de Luis, un personnage incroyable. Luis est né de l'union d'un amérindien de la jungle amazonnienne et d'une amérindienne quechua des Andes. Son père était parti voyager dans les Andes, où il a rencontré sa mère, dont il est tombé amoureux et qu'il a enlevé pour la ramener dans son village de la jungle afin de l'épouser et lui faire des enfants. Sa mère s'y plaisait bien et elle n'a à priori jamais cherché à s'échapper. Luis est le dernier né des 9 enfants qu'ont eu ses parents. Il a grandi dans la forêt et en est parti à 18 ans pour faire l'armée. Il voulait être soldat. A l'armée, il est entré dans une section spécialisée dans le combat en forêt amazonienne. On leur a donc enseigné tous les secrets de la jungle et toutes les techniques de survie. L'épreuve finale pour être diplomé et devenir instructeur était la suivante : les 200 soldat-candidats étaient parachutés dans la jungle, seuls, avec comme unique matériel un petit sachet de sucre, un petit sachet de sel et quelques allumettes. Ils devaient y survivre pendant 2 mois... Un truc de guedin en somme... Au bout des 2 mois, ils n'étaient plus que 25... Tous les autres ont abandonné en cours de route. Ils avaient tous un GPS pour se signaler lorsqu'ils voulaient arrêter et un hélico venait les chercher. Luis faisait parti de ceux qui sont allés jusqu'au bout. Il est ensuite devenu instructeur, puis il a combattu durant la guerre entre l'Equateur et le Pérou de 1995, et enfin il a été garde-frontière aux limites avec la Colombie où il traquait les narcotraficants et les FARCs. Tout ça pour dire que la jungle c'est son dada et qu'on s'y est rapidement senti à l'aise et en sécurité avec lui. Il connaissait tout sur le bout des doigts. C'était son univers. Chez lui. Aujourd'hui l'armée c'est fini pour lui. Il avait l'air d'en avoir été relativement dégouté. Il s'est donc reconverti dans le métier de guide. Soit pour touristes (comme nous), soit pour journalistes, type National Geographic, avec qui il partait parfois 1 mois complet dans la jungle profonde. Bref, continuons...

Ici une petite araignée diurne, perchée sous une feuille.


Là une minuscule grenouille, de la taille de l'ongle de mon petit doigt. Le genre de bestiole que tu ne vois pas tant que t'as pas le nez dessus, mais que Luis repère à 5 mètres...


Encore une araignée, suspendue dans sa toile qui commençait à prendre l'eau avec l'averse qui démarrait...


... alors on enfile les ponchos...


... et on marche en rangs serrés comme des FARC...


...sous une pluie battante, toujours plus forte...


... jusqu'à la lagune marécageuse... où vit... l'anaconda ! Le plus grand des boas constrictors. Luis nous a rassuré : il est très rare d'en croiser et ils ne s'attaquent pas à l'homme (comme tous les animaux de la jungle en réalité) mais c'est par là qu'ils rôdent et chassent.
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De façon générale, la jungle amazonienne n'est pas un zoo, donc aucune garantie de voir quoique ce soit. On peut passer tout un séjour sans voir un seul animal, comme on peut avoir la chance de voir un jaguar faire de surf sur le dos d'un caïman pendant que celui-ci se fait faire une manucure par un groupe de piranhas. C'est une question de hasard.
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"Cédric ! Derrière toi ! Un anaconda !... Mais non, je déconne, c'est juste ma b... !"


"Ok les mecs, j'ai repéré ses traces. Regardez cet arbre déraciné là-bas. Il est passé par ici il y a moins d'une heure. En route. Si Jennifer Lopez a pu en dézinguer un, nous aussi on peut le faire."


"- Ca c'est mon flingue et ça c'est mon dard !"
"- Un vrai soldat, et un bon pétard !"
"- 1 !... 2 !... 1 !... 2 !... Allez les gringos ! Bougez vous le cul !"

Le crâne d'un poisson géant d'amazonie, l'Arapaima, pouvant mesurer jusqu'à 5 mètres...


...et à quelques pas de là...


... le reste de son squelette... De sacrées arêtes, non ?


Un vautour guette. Il attendait certainement que l'un d'entre nous s'embourbe dans la boue...


Et ils marchèrent longtemps, très longtemps...


"Bon. Pas d'anaconda dans le secteur. Abort mission. I repeat. Abort mission. On retrourne à la base."


Entrée de notre camp. Direction la case commune pour le déjeuner.


Eh oui. On a beau être des FARC, on reste des esthètes.


Notre case à nous !


Pause hamac en préparation de la mission de l'après-midi. On fait pas un métier facile !


Et c'est reparti pour l'après-midi ! Ca y est ! La jungle, ça nous fait plus peur !...


... car maintenant...


... c'est la jungle qui a peur de nous ! Mission de l'après-midi : la pêche au Piranha !


Trouver un spot bien tranquille sur les berges de cette rivière.


A l'abri d'un bel arbre pour éviter de cramer sous le soleil.


Et la pêche peut commencer ! Là, visiblement Mathieu n'avait pas compris... On avait dit des piranhas Mathieu... Pas des poisson-chats...


Luis avait décidé de le garder pour en faire des appâts pour les piranhas.


"Petits petits petits !..."


Et ils pêchèrent longtemps...


... très longtemps...


... Jusqu'à la prise ! Voici la dentition du piranha. Ca à l'air petit comme ça, mais ultra acéré. Il suffit de passer le doigt dans sa bouche pour qu'il vous le sectionne d'un coup de mâchoire... Le guide nous a fait la démo avec un morceau de bois... Ca fait froid dans le dos. Mais pas de panique, encore une fois, comme tous les animaux de la jungle, le piranha ne s'attaque pas à l'homme.


Oh ! La belle prise.


Cédric avait chopé un des spécimens de piranha les plus rares de la rivière. C'est le grand gagnant de la journée.


Voilà. Mission accomplie. Maintenant, pour devenir un vrai FARC...


... il nous restait une épreuve à passer...


... celle de la chasse au caïman !


Mathieu : "- La jungle, ça vous gagne ! A l'aise !"
Cédric : "- Attends ! Chhhuutt ! Je crois avoir entendu un Giant Putu Putu, là bas, à 500 mètres, caché derrière une branche de Samona !" (désolé, private joke)


Alors ? Ces caïmans ? Ils sortent de l'eau ou bien ?


Après une heure de traque bredouilles, nos 3 jeunes FARC commençaient à craquer un peu...


... beaucoup...



... jusqu'au moment où, furtivement, au loin, nous vîmes enfin les deux yeux rouges d'un petit caïman, qui nous faussa rapidement compagnie pour retrouver la confortable vase du fond de la rivière. Il avait plu toute la journée. L'eau et l'atmosphère avaient refroidi. "Les caïmans n'aiment pas le froid", nous avait expliqué Luis, "on réessayera demain".
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Nous sommes donc retournés au camp pour diner, boire quelques bières tièdes et jouer aux cartes avant de nous coucher. Nous nous sentions mieux que la veille ce soir là. On commençait à être à notre aise dans cette jungle... mais surtout, à chaque instant, de plus en plus fascinés par les merveilles de cet univers et des gens qui y vivent. Et ceux-là, nous allions les connaître le lendemain.
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A bientôt pour la suite !